Assise dans le 24 (pour une fois que ce n’est pas le 55), mon regard vagabonde sur le sol. Multitude de pieds, quelques sacs, beaucoup de gravier. (Quand la Ville va-t-elle nettoyer les rues?) Arrêt sur une paire de talons aiguilles en cuir beige vertigineux faits de lanières savamment entremêlées. Ça crie le mauvais goût. Les orteils peints d’un rouge criard ressemblent à des boudins bien ficelés. Ça crie l’inconfort. J’essaie de m’imaginer la (le?) propriétaire des appendices en question. Je remonte le long des billots blanchâtres qui lui font office de jambes. Une jupe satinée et évasée. La culotte de cheval y côtoie le motif léopard. (Qui mangera qui?) Le regard poursuit sa montée. Un pull en coton grossier noir parsemé de logos Chanel blancs made in China. Des bourrelets qui font concurrence à mon dernier rosbif. Des seins dignes de Botero. Et finalement le visage : lacéré par l’acné, maquillé à outrance, lèvres pulpeuses trop rouges, yeux bleus trop perçants, cheveux blond brûlé par les trop nombreuses colorations. Un visage fatigué. Un visage slave. Manifestement, Natasha accepte mal de vieillir. Où va-t-elle en ce vendredi soir? Qui va-t-elle rejoindre? Une suite de noms se met soudainement à défiler dans ma tête : Michel Strogoff (Jules Verne), Catherine la Grande (Voltaire), Raspoutine (Boney M), Franfreluche (Kim Yaroshevskaya), Poutine (Poutine)… Improvisation ayant pour thème Associations libres; nombre de joueurs : un; durée : un trajet d’autobus de la STM à l’heure de pointe.
J’arrive à destination.
« Qu’est-ce qu’on vous sert? »
… Alexis Nikolaïevitch (hémophilie); From Russia with Love (James Bond)…
« Dry martini. Shaken, not stirred. »
Le transport des communs est vraiment une source inépuisable d’inspiration. Za vaché zdorovié!
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